lundi 5 octobre 2009

C'est pas ma faute à moi, moi Lolita (Les notions de Faute et de Responsabilité)

"C'est pas notre faute, c'est la faute de..." me dit mon stagiaire alors que nous cherchons à faire avancer un dossier pour un client interne.
"C'est pas ta faute, hein, je dis juste que..." me dit mon sponsor projet alors que je lui présente différents plans d'actions possibles pour faire avancer un projet.

"C'est pas ma faute..."

Plusieurs fois pendant son stage j'ai essayé d'expliquer à mon stagiaire la différence entre les notions de faute et de responsabilité. En lui disant notamment que l'important n'était pas de chercher à qui incombait la faute, puisque de toute façon, NOUS étions les responsables de l'avancée ou du de la non-avancée. La recherche du "fautif", pour se défausser soi-même, plutôt que pour identifier une source d'anomalie (et par conséquent y remédier) était un réflexe que je voulais gommer en lui.

Et voilà que mon sponsor projet me ressort cette phrase ce matin..."C'est pas ta faute..."
Ce n'est peut-être pas ma faute si le projet prend du retard, mais c'est ma responsabilité d'en avertir qui de droit, d'anticiper si possible, et de proposer des actions correctives.

La faute c'est l'action de faillir, de manquer. Au sens être absent. La responsabilité c'est le devoir de répondre de ses actes, toutes circonstances et conséquences comprises.

La responsabilité est une notion positive, celle qui fait occuper une place, celle qui fait que l'on compte dans une structure.
La notion de faute rappelle la culpabilité et enferme dans la notion de ne pas faire d'erreur. Elle inhibe l'action.

Ainsi, les paroles de mon sponsor projet, au lieu de me réconforter, n'ont fait que m'accabler.

Quelles sont les conséquences pour un stagiaire du fait de se cacher derrière cette excuse de "c'est pas ma faute" ?

  • Tendance à s'en foutre. Si c'est pas ma faute, pourquoi s'en faire ? Si cela ne me concerne pas, pourquoi est-ce que je prendrais la tête à essayer de faire avancer les choses.
  • Laisser Faire. Cette pensée plonge la personne qui s'en nourrit dans l'inaction. Puisque ce n'est pas ma faute, c'est que d'autres sont aux manettes. Alors pourquoi ne pas les laisser faire ce qu'ils veulent pour pouvoir encore mieux me défausser si jamais les choses tournent mal. Bref, je trouve que cette pensée, comme un mantra, enferme dans une spirale négative.
Passivité et Déshumanisation.

Mais ce n'est pas mieux lorsque cette phrase "c'est pas ta faute" vous est servie par votre responsable sur un projet. En voici les conséquences :

  • Tendance à déresponsabiliser. Je suis Chef de Projet sur le projet X. Si ce projet n'avance pas et que ce n'est pas ma faute, alors qui va pousser pour faire avancer le projet ?
  • Ne rassure pas / infantilise. La première intention de mon sponsor était de toute évidence positive puisque qu'il voulait m'apaiser, me rassurer, me motiver ? Mais sa phrase n'a fait que m'infantiliser, en m'enlevant ma capacité (et mon devoir) d'action.
  • Manque d'exemplarité. Je suis chef de projet. Je suis responsable. Si un membre de mon équipe ne tient pas les délais, ne produit pas le contenu ou déborde sur les coûts, alors JE suis responsable. Je dois essayer d'anticiper et proposer une amélioration. Mais si le chef de projet "faillit" alors...c'est la responsabilité du sponsor projet, non ? La faillite du projet lui revient-elle ? Je ne le pense pas, le chef de projet, selon moi, reste le dernier responsable de la bonne exécution du projet. Mais un sponsor projet, en m'annonçant que ce n'est pas ma faute, et en ne l'endossant pas non plus, m'enlève toute capacité de rétablir l'équilibre.
Je trouve qu'avoir des responsabilités, LA responsabilité de quelque chose est ce qui peut nous arriver de mieux au boulot. Avoir une responsabilité, quel qu'elle soit, c'est être le capitaine du navire. Effrayant, mais tellement valorisant. L'effort en vaut la peine.
Un vrai manager n'est pas celui qui ne fait pas d'erreur, ni celui qui n'est jamais pris en faute, mais plutôt celui qui prend la responsabilité de les réparer.

Pour ceux qui le souhaitent je vous conseille la lecture du code de déontologie et d'éthique professionnelle du Project Management Institute, notamment le chapitre 2 sur la Responsabilité.
Qu'en pensez-vous ?

11 commentaires:

Nico P'n a dit…

Très bonne réflection, je suis entièrement d'accord avec toi.

C'est d'ailleurs un des points qui m'enrage particulièrement dans notre société actuelle, cette tendance à déresponsabiliser les gens. Il suffit de voir l'attitude de certains parents pensant que c'est aux profs d'éduquer leurs enfants. Dans un même esprit, on retrouve également tous les messages nous disant de "ne pas manger trop gros" ou que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé".
Bref tout ça m'énerve, et c'est à chacun d'assumer ses responsabilité et les conséquences des ses actes (ou non actes).

Monsieur J a dit…

Merci Fenice, non seulement les assumer mais se positionner dans le monde comme un Homme ou une Femme qui répond de ses actes.
D'ailleurs que peut-il nous arriver de si terrible ? Échouer ? So what ?

Luc a dit…

Il y a un quelque chose de pervers dans la manière dont le travail est organisé dans les grosses entreprises aujourd'hui. Il y a à la fois un manque de responsable - le Chef, avec les galons, qui décide et mène son petit monde, le protège aussi quand il le faut - et en corollaire une dilution des responsabilités à tous les acteurs.

Alors quand il y a un raté ou un imprévu dans la chaîne, on cherche le fautif, l'autre, celui qui bosse mal et nous empêche de bosser bien. Il n'y a plus de responsabilité collective assumée, mais bien des mini-responsabilités subies.

Merci pour ce bel article qui nous remet dans notre posture d'Etre Libre et Responsable !

Unknown a dit…

J'ajouterai que nous sommes dans une période ou il faut identifier des responsables, toujours, et quelque soit le sujet : médecine, juridique, éducation, industrie (on a tous des exemples en tête faisant la une des tabloïds) .....Cette société passe son temps à trouver les coupables, les responsables. Est-ce le résultat du dit "assistanat" ?
Et puis je citerai le vieil adage toujours d'actualité : "la meilleure défense c'est l'attaque".
Peut-être que ton stagiaire a eu peur ou s'est senti en "danger" (par manque d'expérience peut-être?)
Quelles qu'en soient les raisons je trouve très constructif ce sujet et le raisonnement mener !

Encore un truc que j'ai réalisé récemment :
les études scientifiques forment des gens à être efficaces à l'exécution de tâches : sans se questionner sur le "pourquoi de cette tache".....ce questionnement incombe plus à des études de philo ou de littératures...ceci explique peut-être cela ?

En tout cas Merci Monsieur J , désormais célèbre mais néanmoins Inconnu !

Unknown a dit…

Merci pour cet

Unknown a dit…

Merci d'avoir lancer ce sujet de réflexion. Il se retrouve effectivement régulièrement.

J'ai généralement entendu le "C'est pas ma faute" quand les personnes ne ne sentent pas responsabilisées. Ces personnes ne se sentent pas responsabilisées car elles ne portent pas le projet, elle le subissent et au moindre pépin, elles essayent de se dédouaner pour ne pas se faire taper dessus.

Voici un cas concret auquel j'ai eu affaire.
Nous avons la possibilité de décrocher une belle affaire mais le challenge est difficile. Cependant, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer cette affaire.

Approche 1:
Je dis à mon équipe "Nous avons une affaire importante à gagner, çà va être dur mais nous en avons besoin. J'ai donc donner mon accord à la direction et nous allons nous battre pour la gagner.
Ce qui se passe: mais il est fou le chef, nous n'y arriverons jamais, ... Au moindre problème: apparaissent les "c'est pas ma faute", on baisse les bras et je sors les rames...

Approche 2:
Je vais voir l'équipe, je leur explique le projet, je leur dis que çà va être très challenging mais que la société en a vraiment besoin. Et je leur demande s'ils sont OK pour relever le défi, que je suivrai et défendrai leur avis.
Suivent moultes discussions sur la difficulté, est-ce qu'on maitrise, ... Et les gars me disent OK, çà va être dur mais nous allons tout faire pour y arriver.

C'est la deuxième option que j'avais retenue. Le résultat: ils se sont responsabilisés et ont assumer leur choix. Et le projet a réussi malgré de grosses difficultés que nous avons gérées ensemble!

Et s'ils avaient dit non? C'est qu'ils auraient eu peur du projet, de l'échec ou d'autre chose qu'il m'eu fallut identifier.
Deux possibilités:
- leur peur est fondée et il y a un loup à lever, avec eux, afin de sécuriser le projet. Ce peut aussi être une mauvaise compréhension de ma part, je case çà dans la catégorie loup :-). Pire cas, le projet n'est pas viable et nous aurions mis la société en péril, donc discussion avec la direction indispensable.
- il y a une partie du projet qu'ils ont mal identifiée et qu'il faut leur expliquer. Ils peuvent aussi craindre d'avoir à assumer tout seul, il faut les rassurer, sincèrement. Notre CEO avait bien expliqué que ce serait la société qui assumerait en cas d'échec car nous étions conscients du challenge qu'on leur demander de relever.

Ma conclusion: c'est à moi, en tant que manager, de mettre mes collaborateurs en situation de prendre leurs responsabilités en leur en laissant la liberté. Mais cette liberté peut leur faire peur s'ils n'ont pas confiance en eux et en moi.
"Cet ours continuait à tourner en rond dans sa cage alors qu'on en avait, depuis longtemps, ouvert la porte" (Higelin).

gill d'elia a dit…

Cela m'est arrivé plusieurs fois.
Et il est regrettable de constater à qule point il est difficile de faire avancer les choses quand tout le monde se "défausse" du problème alors que...
Le problème ce n'est pas le problème en lui même c'est le fait de ne pas vouloir trouver de solution.

J'arrête pas de dire:
à la limite je m'en fous du fautif, je veux juste qu'on trouve une solution.

ps: blog trouvé par hasard, très bonne article en tous cas, je vais revenir ici je pense ^^.

Unknown a dit…

Ton article est fort juste, et pourtant malheureusement il est très rare qu'en entreprise on entende un responsable faire la différence entre "faute" et "responsabilité".

D'où ma réflexion : et si au fond la réaction de ton stagiaire n'était en réalité qu'un réflexe conditionné ?

Il se peut en effet que son "ce n'est pas ma faute" ne reflète pas son manque d'engagement mais plutôt un réflexe pavlovien qui a été d'abord acquis durant la prime enfance (on culpabilise sans cesse nos enfants tous autant que nous sommes !), puis a été repris en échos par un responsable incapable de manager correctement une équipe.

Car en réalité combien connaissons nous de managers qui sont capables d'expliquer que tout être humain est faillible, même lui (ou elle) ? Combien avons-nous croisé de supérieur au cours de notre vie professionnelle qui ait eu l'honnêteté et le courage de dire que lui aussi se trompait, mais que l'important était de comprendre l'erreur pour ne pas la reproduire ?

Et si en réalité la "faute" n'était pas le fait du stagiaire mais de la quantité de managers incompétents et trop effrayés à l'idée de se faire doubler par un jeune plein de talents, et qui ne lui ont jamais expliqué la profondeur et les conséquences de cette notion ?...

Céline

Monsieur J a dit…

Bonjour à tous, et merci pour vos commentaires passionnants. Le niveau est très élevé (surtout pour un dimanche matin :)

@Luc : Je suis d'accord avec toi sur le manque de responsabilité collective. Mais est-ce dû au manque de responsables ou alors au fait qu'il y a de plus en plus de pseudo-responsables. Le moindre chef de projet étant propulsé à la première occasion "Manager" sans que soient perçues les implications ni délivrée la formation qui va avec. D'où le développement du "ass covering". Il est plus évident de se défausser sur d'autres que d'assumer une action.

@Stéphanie: ta remarque est juste : c'est aussi un mouvement global sociétal qui se retrouve dans l'entreprise (l'entreprise n'est que le monde en plus petit n'est-ce pas?)
L'effet pervers d'attaquer pour ne pas se retrouver attaqué c'est que cesse la solidarité de l'équipe, de l'entreprise. Une notion pourtant fondamentale dans l'entreprise: on est meilleur en groupe que seul. Tu pointes bien là la source de dysfonctionnement de l'entreprise.

@Gael: Bravo pour ton approche n°2. Je suis persuadé que le manager soit beaucoup attendre de ses équipes, car l'envie de reconnaissance d'une personne est un puissant levier d'action !

@gill.delia: effectivement l'important est la résolution et non la sanction; mais si ce constat n'est pas partagé avec tous et par tous alors ça ne marche pas. La confiance est une notion clé, je suis d'accord avec toi (et merci pour tes encouragements, repasse quand tu veux!)

@Céline: EN liant ton commentaire je me dis que peut-être, le manager, placé là pour ses qualités, perdrait de son statut en admettant se tromper. Ses équipes, qui veulent l'imiter (comme un fils imite son père?) ne veulent donc pas non plus reconnaître leurs erreurs. D'où le "c'est pas ma faute". Intéressant ce phénomène de mimétisme que tu met en lumière.

Enfin merci à tous pour ces échanges passionnants. Nous vivons une période troublée (France Telecom, Renault etc...) il est urgent de repenser la notion de management dans l'entreprise !!

jinday a dit…

Hello,
je prepare le concours de personnel de direction et suis pour l'instant novice en matiere de management mais ton blog m'a ete d'une gde utilite. Merci de partager ainsi ton experience et bonne continuation.
PS: Desole pour les accents mais je suis a NY et utilise ces fichus claviers americains.

Monsieur J a dit…

Salut Jinday,

Merci pour ce mot sympa, ça fait trop plaisir !
C'est quoi le concours de personnel de direction ? Tu te prépares à faire quoi ?
NY c'est la classe, trouve toi un clavier azerty et tout ira mieux :)